Les entreprises albertaines s'arrachent les travailleurs.

L'Alberta est toujours à la recherche de main-d'œuvre qualifiée. La province manque désespérément de camionneurs, de soudeurs, de mécaniciens et de grutiers pour l'industrie qui dessert les pétrolières. Il revient donc aux employeurs de séduire et d'attirer les travailleurs de partout au pays.

Des travailleurs de partout au Canada viennent en Alberta pour une raison bien simple : ils tiennent le haut du pavé dans leurs négociations avec les employeurs. La province a un taux de chômage de 4,6 %, le taux d'emplois inoccupés est le plus haut du pays. Les employeurs rivalisent donc de créativité pour tenter d'attirer et de garder leurs employés.

 

Taux de chômage dans l'Ouest (janvier 2014)

Alberta : 4,6 %
Colombie-Britannique : 6,4 %
Manitoba : 5,6 %
Saskatchewan : 4,3 %

Moyenne nationale : 7 %

Source : Statistiques Canada

L'exemple de la société Entrec parle de lui-même. En 2011, un petit groupe d'entrepreneurs prenait possession de l'entreprise qui, à l'époque, avait 70 employés. Entrec est une entreprise de machinerie lourde qui transporte, sur l'autoroute albertaine, des modules immenses de dizaines de mètres de longueur, comme de hauteur, et qui pèsent des centaines de tonnes. Le groupe d'acquéreurs visait une croissance exponentielle et savait que son plus grand défi serait le recrutement. « Au début, dit le PDG d'Entrec John Stevens, nous affichions des emplois, et seulement un ou deux candidats se présentaient. »

Un de ces entrepreneurs a alors appelé Elvis Pellerin, un camionneur de l'Est du Québec. « Il m'a demandé si je voulais rester à Edmonton, se rappelle ce dernier. Tout de suite, j'ai réalisé que ce serait une bonne place pour m'installer parce que c'est en ville. Ils m'ont dit que pour eux, la famille, c'était prioritaire. » Entrec avait visé juste.

Elvis Pellerin connaissait déjà l'Alberta pour avoir travaillé près d'un an dans les sables bitumineux de la région de Fort McMurray en 2008. Mais il n'avait pas aimé son expérience. « Quand tu vas là juste pour l'argent, c'est certain qu'il n'y a pas de problème parce que c'est travail, travail, travail. Mais j'aime mieux avoir une vie familiale », dit-il.

L'offre d'Entrec l'a donc séduit et il est retourné dans l'Ouest après avoir convaincu sa femme de le suivre avec leurs deux enfants.

Si Entrec a grandi autour d'Edmonton, c'est justement pour mieux affronter le défi de la pénurie de main-d'œuvre. « La croissance industrielle a été si grande dans la région de Fort McMurray, que les travailleurs tout comme les logements y sont rares, dit John Stevens. Nous aurions pu nous installer n'importe où le long du chemin [qu'empruntent les modules] que nous transportons. Mais nous avons décidé de le faire où les travailleurs veulent vivre, c'est-à-dire ici, dans la capitale. Pas à Fort McMurray. »

Entrec n'est pas la seule à avoir une telle stratégie. Le secteur industriel d'Edmonton regorge d'entreprises d'assemblages qui construisent des modules destinés aux sables bitumineux, à plus de 500 km au nord. Le cauchemar logistique du transport de ces immenses structures n'est rien comparé à l'idée d'attirer, de payer et de garder des travailleurs à Fort McMurray.

Entouré d'autres employeurs, Entrec a tenté de créer une culture familiale où les employés sont valorisés. Parmi ses stratégies de recrutement, des actions de l'entreprise sont offertes aux employés, les salaires sont concurrentiels et les employés qui attirent d'autres travailleurs peuvent recevoir une prime de 1000 $ à 5000 $. Ça semble fonctionner : de 70 employés, en 2011, l'entreprise est passée à 785 aujourd'hui. Elle vient d'être reconnue parmi les 65 meilleurs employeurs de la province et elle arrive à maintenir la loyauté de centaines d'ouvriers comme Elvis Pellerin.

À son retour en Alberta, il y a trois ans, Elvis avait en tête qu'il retournerait au Québec assez rapidement. Mais il n'en est plus question, du moins pas pour l'instant. « Ça ne serait pas facile parce que mon épouse est établie ici, elle a un excellent travail. Ma fille ne voulait pas venir au début, mais maintenant, c'est clair, elle veut finir son école secondaire avant de passer à autre chose. La vie est agréable, ici. »

Source : Radio-Canada / Un texte de Sylvain Bascaron

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