Jeunes cadres : un vent de fraîcheur en ingénierie.

Ils n’ont pas encore 30 ans (ou à peine) et ils occupent déjà des emplois de cadres. Propulsés rapidement à des postes de responsabilité, de plus en plus de jeunes ingénieurs mettent les bouchées doubles pour satisfaire aux besoins de l’industrie. Voici comment ils y parviennent.


Tout juste à la mi-trentaine, Marco Freitas, ing., présente un CV digne d’un ingénieur au bord de la retraite.

En moins de cinq ans, ce diplômé en génie mécanique de Polytechnique Montréal a décroché son premier poste de cadre chez Dessau, passant de chargé de projets à chef d’équipe en mécanique du bâtiment. «J’étais responsable de 12 employés, dont des ingénieurs et des techniciens d’expérience», raconte-t-il.

Il n’avait encore rien vu! En 2010, il était nommé directeur de service en mécanique et électricité du bâtiment au bureau de Longueuil. «Je chapeautais 8 chefs d’équipe et un service employant 90 personnes.»

Aujourd’hui, il assume la direction du service d’ingénierie Côte-Nord, où il est chargé du développement et des opérations du bureau de Dessau à Sept-Îles. «Je développe les projets d’ingénierie dans la région. Il peut s’agir, par exemple, de bâtiments ou encore d’infrastructures ferroviaires. Je touche à plusieurs disciplines du génie. J’aime sortir de ma zone de confort et relever des défis!» Il est servi.

Marco Freitas n’est pas un prodige. Son cas témoigne plutôt d’un phénomène récent dans le monde de l’ingénierie, celui de l’accession rapide des jeunes ingénieurs à des postes de direction. Les différentes associations d’ingénieurs l’observent depuis peu, même si elles ne peuvent le quantifier. Mais elles l’expliquent facilement. «Les départs à la retraite des baby-boomers créent des ouvertures aux échelons de direction, ce qui laisse de la place pour les jeunes dans les postes de cadres intermédiaires», soutient Etienne Couture, ing., président du Réseau des ingénieurs du Québec (RIQ). La tendance va se poursuivre, puisque 25 % des ingénieurs prendront leur retraite d’ici les 5 ou 7 prochaines années, selon le Réseau. Le développement de projets comme ceux liés au Nord pour tous, accentuent aussi les besoins en ingénieurs dans des régions qui n’en comptent pas beaucoup.

C’est le cas au Saguenay ­- Lac-Saint-Jean, où Samuel Potvin, ing., a été embauché comme gestionnaire de projets à 24 ans seulement. En 2011, Les Entreprises Rosario Martel – un entrepreneur général en excavation d’Alma qui construit notamment des ponts, des routes et des ponceaux – n’ont pas hésité à confier la direction de leurs mandats à ce diplômé en génie civil de l’Université Laval, immédiatement après ses études. «Je prépare les soumissions pour les projets qui nous intéressent, décrit le jeune homme. Si le contrat nous est octroyé, je supervise la réalisation du projet. J’attribue les contrats aux sous-traitants, j’établis les échéanciers et j’assure le lien entre les différents intervenants, comme les surintendants et les contremaîtres de chantier. Je participe aussi aux décisions de la compagnie, comme celles qui touchent à la gestion du personnel et aux investissements d’avenir.»

 

Un phénomène grandissant

 

Dans le secteur du génie-conseil, les besoins en cadres intermédiaires sont criants, constate Johanne Desrochers, ing., présidente-directrice générale de l’Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ). Il manque carrément une génération. «La diminution des investissements dans les projets d’infrastructures, de la fin des années 1980 jusqu’en 2000, a entraîné une baisse des inscriptions dans les facultés de génie, notamment en génie civil. Aujourd’hui, on en subit les conséquences. Les ingénieurs expérimentés partent à la retraite au moment où les investissements reprennent, autant pour la réhabilitation des infrastructures que des bâtiments publics.»

Comme il y a peu d’ingénieurs comptant plus de dix années d’expérience, ce sont souvent les jeunes qui sont appelés à des postes de gestion de projets. La demande est forte, notamment en génie civil, génie de l’environnement, génie minier, génie mécanique et génie électrique. «Ce sont de belles années pour les jeunes diplômés en génie, croit la présidente. Ce ne sera pas une génération sacrifiée!»

 

Des défis à relever

 

«Le plus grand défi qui les attend est de faire preuve de leadership, estime Etienne Couture. Cette compétence s’acquiert souvent avec l’expérience, mais ils doivent la développer le plus rapidement possible. La direction d’une équipe composée de travailleurs expérimentés représente un autre défi.»

Les jeunes s’intéressent aux postes de gestion, ils sont motivés, ils veulent progresser. Mais il faut continuer à construire des ponts entre les générations pour arrimer la fougue de la jeunesse à la sagesse des plus expérimentés.
Etienne Couture

Johanne Desrochers ajoute que l’autonomie, le sens de l’initiative, de bonnes habiletés de communicateur jumelées à une aptitude pour le travail d’équipe sont les principales qualités recherchées chez les jeunes cadres.

«On voit parfois des jeunes diplômés en génie qui pensent tout savoir. Or, c’est sur le terrain, en côtoyant d’autres travailleurs d’expérience, qu’on acquiert et qu’on développe ses connaissances. Mon ouverture d’esprit m’a permis d’être là où je suis aujourd’hui», soutient Samuel Potvin.

Marco Freitas abonde dans ce sens. «Il faut rester humble quand on arrive jeune à un poste de gestion. On dirige des gens qui ont plusieurs années d’expérience. Ils peuvent nous en apprendre beaucoup, il faut s’en faire des alliés.»

 

Des outils pour les jeunes

 

Les aspirants ingénieurs peuvent commencer à développer ces compétences dès l’université. «On peut s’engager dans des activités parascolaires, par exemple des compétitions comme les Jeux de génie du Québec, dit Etienne Couture. Cela favorise le travail d’équipe et la communication, et donne la chance de prendre de l’expérience.»

De son côté, l’AICQ a lancé, en 2010, un forum des jeunes professionnels, dont les activités (ateliers, conférences, etc.) ont pour but de développer les compétences de la relève du génie-conseil. Le président de ce forum, Simon Davidson, est lui-même un ingénieur de 27 ans qui a le vent dans les voiles. Diplômé en génie électrique de l’Université McGill, il est responsable de projets en transport chez Roche. «Le mentorat est la clé pour apprendre à devenir gestionnaire. J’ai toujours eu à mes côtés deux ou trois ingénieurs expérimentés qui me déléguaient des tâches et prenaient la peine de me les expliquer.»

La formation continue doit aussi être considérée afin de façonner ses talents de leader. Marco Freitas, lui, a tiré beaucoup du programme d’études supérieures spécialisées en gestion qu’il a suivi à temps partiel à HEC Montréal et pour lequel il a reçu son diplôme en 2009. «Les connaissances acquises, par exemple en ressources humaines, en comptabilité et en gestion de budget, me servent tous les jours.»

Samuel Potvin suggère quant à lui de travailler le plus tôt possible dans son domaine en acceptant un stage, un emploi d’été ou un emploi étudiant. «On observe, on essaie de comprendre comment les choses fonctionnent et on commence à créer son réseau de connaissances. Ces expériences comptent aux yeux des employeurs.»

 

Vent de fraîcheur…

 

Pour sa part, Johanne Desrochers voit d’un bon œil l’arrivée de jeunes gestionnaires. «Leur présence dynamise le milieu, cela aide à se renouveler», dit-elle.

Etienne Couture partage cet avis. «Les jeunes s’intéressent aux postes de gestion, ils sont motivés, ils veulent progresser. Mais il faut continuer à construire des ponts entre les générations pour arrimer la fougue de la jeunesse à la sagesse des plus expérimentés», conclut-il.

 

Source : Jobboom

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